Tous les articles par Ubarius

Né en juin 1961 Marié, père de deux garçons (19 et 16 ans) Service militaire effectué au sein de la Marine Nationale Directeur technique de salons professionnels (1986 – 2005) Tour(s) de son nombril (2006 – 2007) Courtier en Travaux (2008 – aujourd’hui) Depuis 2012 consacre 90 % de son temps à l’écriture : - Taxi Lul’ au Fort du Trou d’Enfer (album pour enfant) - Le vol du poisson rouge (récit pour adulte) - O.L.P (scénario de court métrage) Dyslexique non contrariant …

Flou-Flou-Flou !

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Vanity Fair n° 11 – mai 2014

Le monde est flou. Flou-flou-flou ! Les certitudes évaporées, la morale s’égare dans des contrées merveilleuses et fantastiques. Les héros dévissent, les vérités sont bouleversées. Cate Blanchett a quitté la couverture du mois d’avril pour basculer discrètement de l’autre côté du papier miroir. Elle fuit la lumière de la une pour resplendir dans l’ombre d’une publicité en 4e de couverture du mois de mai. Changer de page, bouger les lignes, abolir les frontières. Pierre Soulages, les genoux au sol sur sa toile continue le geste qu’il a initié il y a 67 ans : il peint du noir et éclaire les êtres seuls face à eux mêmes. Je ne sais plus sur quel papier danser. Grace ne se conduisait pas comme une prude et jolie jeune fille de bonne famille, Jérôme, en charge de mettre des prunes aux fraudeurs a été pris les doigts dans la marmelade. C’est la chienlit, dirait le Général ! L’anti héros du clan des Lannister de Game of Thrones se prénomme Jaime ! J’adooore vivre aujourd’hui. Les charmants sont odieux et réciproquement. Il n’y a plus de morale dans la contemplation des choses. En 1968 Andy Warhol prédisait, à l’avenir, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale. Aujourd’hui, j’avoue ressentir un plaisir malsain à contempler l’immoralité… J’espère, sans y croire un seul instant que cela ne durera pas. Pour parfaire le chef d’œuvre de l’évolution, je ne peux m’empêcher de partager avec vous les onze conseils, prodigués par la police d’une grande ville américaine dans les années 90,  pour faire de notre enfant un bon délinquant.

1. Dès l’enfance, donnez-lui tout ce qu’il désire. Il grandira en pensant que le monde lui doit tout. 2. S’il dit des grossièretés, riez, il se croira très malin. 3. Ne lui donnez aucune formation spirituelle. Quand il aura 18 ans, ‘’il choisira lui même’’. 4. Ne lui dîtes jamais : ‘’C’est mal !’’. Il pourrait en faire un complexe de culpabilité. Et plus tard lorsqu’il sera arrêté pour vol de voiture, il sera persuadé que c’est la société qui le persécute. 5. Ramassez ce qu’il laisse trainer. Ainsi, il sera sûr que ce sont toujours les autres qui sont responsables. 6. Laissez-lui tout lire. Lavez sa vaisselle, mais laissez son esprit se nourrir d’ordures. 7. Disputez-vous toujours devant lui. Quand votre ménage craquera, il ne sera pas choqué. 8. Donnez-lui tout l’argent qu’il réclame. Qu’il n’ait pas à le gagner. Il ferait beau voir qu’il ait les mêmes difficultés que vous. 9. Que tous ses désirs soient satisfaits : nourriture, boisson, confort, sinon il sera ‘’frustré’’. 10. Prenez toujours son parti. Les professeurs, la police lui en veulent à ce pauvre petit ! 11. Quand il sera un vaurien, proclamez vite que vous n’avez jamais rien pu faire… Ne nous préparons-nous pas à une vie merveilleuse ?

ON NE BADINE PAS AVEC L’AMOUR

ARNO • Pauvres Diables

…Tous les hommes sont menteurs, inconsistants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; … ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux…

Alfred de Musset – Extrait Act II sc.5

Villa Sideratis

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Vanity Fair n° 10 – avril 2014

Après avoir brillé dehors et MORDU DEDANS, je feuillette les dernières pages du magazine dans un parfum de pins et de giroflées capiteuses venu d’Italie, entre Rome et Milan. Impossible de refermer les portes de la villa Médicis. Nous sommes en juin 1962, Balthus, le directeur de l’institution, me reçoit pour diner avec trois invités prestigieux. J’ai fait le voyage avec Orson Welles qui tourne à Paris le procès dans la gare d’Orsay désaffectée. Il est accompagné de deux de ces actrices françaises : Romy Schneider et Jeanne Moreau. Notre hôte qui a fait dresser une table sur le belvédère d’où nous avons la plus belle vue sur Rome nous accueille avec courtoisie et affabilité. Il a le regard futé du peintre traquant le trait pour son prochain dessin. Orson Welles se déplace dans une monumentalité oppressante. Il est de mauvaise humeur et ne nous le cache pas. Nos adorables invitées se lient pour sauver l’ambiance de la soirée avec leur féminité affutée alliant charme et espièglerie. Le diner commence, un maitre d’hôtel s’adresse discrètement à un Balthus légèrement éteint qui se ranime soudain et donne l’ordre de rajouter un couvert supplémentaire : « Nous avons un invité surprise… ». Le temps de nous retourner et apparaît telle une bête sauvage filmée au ralenti, ou une statue descendant posément de son socle, un être dont la présence pétrifie la nature et fait fondre les filles. Orson Welles tire jalousement sur son gros cigare, Balthus sait qu’il a sauvé sa soirée, moi je jubile. Indifférent à l’effet qu’il provoque aux êtres et aux choses, Marlon Brando avance nonchalamment vers nous et vient s’asseoir à côté de Romy. Il est aussi à côté de moi. Je tombe sous l’emprise d’une tempête immobile. Un désastre de séduction est en cours. Je ne peux m’échapper. Je suis un homme dans les yeux de Romy et une femme dans les bras de Marlon ; avant de perdre la raison, pour me sauver, j’implore l’intervention définitive du comité pour le commandement de la vertu et la répression du vice. Hélas ce comité n’existe pas, sauf en Arabie Saoudite (et page 60 du n° 10) ! Dans la patrie des champs, des fleurs, des villes éternelles et des petits oiseaux dans laquelle j’ai installé mon lit de langueur et de félicité, je gambade tel un esprit libre et heureux qui ne cherche qu’à s’échapper des facéties du monde.

En 1962, je n’étais pas vieux. Le cinématographe découvrait la couleur, Romy Schneider fuyait le Tyrol et Marlon Brando investissait sa vie dans un atoll.

Bain de lumière

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Vanity Fair n° 9 – mars 2014

Vivre au nord dans un atelier, une seule pièce ouverte sur le monde avec la sagesse érudite d’attendre que la luminosité traverse les grandes fenêtres et caresse d’une même intensité tous les objets pour offrir un bain de lumière égal et nécessaire au travail de l’artiste. Heureusement je ne cherche pas le soleil éblouissant et superfétatoire pour me réconforter à ses rayons dévastateurs, je dépose patiemment en hiver mes bûches dans l’âtre du vieux poêle Godin auprès duquel je me réchauffe les mains dont j’oublie le refroidissement, emporté par mon esprit en ébullition de créateur patenté.

Je considère la rue comme le prolongement de mon atelier, je sors sans me changer. Hier soir, alors que je me rendais Chez Marcel de Montparnasse pour diner, j’ai croisé Mathilde, elle poireautait en bas de chez elle, contrariée et triste de ne pas voir son galant arriver ; elle accepta mon invitation incongrue mais amicale de partager un plat du jour au restaurant, puis la fin de la bouteille de Côtes du Rhône à la maison. Je suis parti diner seul, je reviens accompagné. Mathilde est jolie, elle a froid, je lui propose un plaid. Au cours de notre agréable conversation elle demeure secrète et réservée mais jamais, et cette qualité me plait, elle ne se réfugie derrière un petit rire gêné et gênant – méchante manie des personnes indigentes. Je lui propose de la croquer nue, car j’ai envie de la découvrir d’avantage, elle n’esquive pas la question, se lève et commence à se déshabiller tout en se rapprochant du poêle. Son espièglerie intelligente et pratique me prend de court. Je la retiens amusé et désolé : non, non, pas maintenant ! Elle continue son geste désinvolte et volontaire. Je ne dessine et ne peins que le jour. Elle me suggère, dans un soupir, que nus nous pouvons aussi faire l’amour ! Mon atelier n’est pas une alcôve. Je m’en désole avec elle. Je la supplie d’avoir la patience d’attendre les prochains jours et de bien vouloir accepter mon antre comme un lieu de vie et de travail où je cultive l’obsession de sonder l’invisible. Avec ma peinture je veux donner corps aux esprits-volutes, aux pensées agitées et silencieuses de nos désirs et de nos peurs que génèrent les êtres et les choses prégnants. Avec mes toiles, comme la fumée révèle les faisceaux des projecteurs, je veux dévoiler les ondes qui nous rapprochent : l’invisible exige d’être partagé.

Elle me trouve bien sérieux pour un artiste…