Joufflard-en-Bouzy

Vanity 18_dec14
Vanity Fair n° 18 – décembre 2014

Une nouvelle année va bientôt commencer, je continue chaque mois à voyager en magazine. Je lis, je m’envole ; je flâne entre les lignes, je laisse courir mon imagination après la fin des phrases et vous invite à rebondir sur le numéro-trampoline du mois passé.
Bienvenue à Joufflard-en-Bouzy où un séisme paysagé a sérieusement secoué les 4200 âmes de ce paisible village rural le plus proche de Paris : la réalisation d’un programme immobilier, contre-nature pour les uns, évident pour les autres, a déchaîné les passions. La construction d’une tour de 70 mètres de hauteur a bien failli détruire la résidentielle quiétude de ce mince tissu urbain baigné de verdure.
En accordant courageusement son permis de construire, le maire, malgré la pénurie de réserve foncière, a réussi à combler le déficit de logements aidés ; suffisamment de places de parking, avec 7 niveaux souterrains, ont été créées pour permettre de désengorger le stationnement dans les rues étroites et de développer les circulations douces dans le village ; un musée patrimonial présente désormais, au dernier étage de la tour, les pépites ignorées du patrimoine de proximité : une tour de Chappe, le Fort du Trou d’Enfer, le château des Gondi… D’en haut la nature est magnifique à contempler.
Le village s’est tourné vers l’avenir en un beau geste architectural et urbanistique.
Des oracles autoproclamés prédisaient les pires horreurs quant à l’impact sur l’environnement, la vue allait être cachée, la vie des villageois gâchée pour l’éternité ; tous les recours administratifs ont été exercés, en vain – spécificité bien française d’avoir dans chacun de ses villages un ronchon magnifique qui s’oppose à tout projet par principe. Que pensait-on, avant leurs constructions, du Pont du Gard, de la Tour Eiffel, du viaduc de Millau ?
Personne n’a raison ni tord. Point de procès d’intention ! Vivent les process d’invention !
Tous les Joufflu-Soyeux* s’épanouissent aujourd’hui au voisinage de la Tour Verdura devenue le Totem bienveillant du village.
Le nom de la tour est un clin d’œil malicieux – une sorte de courtoisie moqueuse en direction de ceux qui protégeaient soit disant l’avenir sans regarder plus loin que le bout de leur nez, avouent en privée le maire et l’architecte du projet – : avec ce nom, on peu entendre une allusion au vert écologique, il faut surtout y voir un hommage au talent du joailler Fulco di Verdura qui su si bien à partir des années 40 rendre ses créations à la fois tendance, élégantes et intemporelles.

Ces hommes ont réussi à faire quelque chose de beau à partir de leurs gênantes contradictions.

* C’est ainsi que se nomment les habitants de Joufflard-en-Bouzy.

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