Les Tilleuls 1738 à Etretat

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Dimanche 31 août (2014) , mon épouse et moi sommes partis en vadrouille pour faire semblant de croire que nous avions oublié que la rentrée des classes était dans trois jours. Profitant d’une fenêtre météorologique favorable, en cette toute fin de mois d’août, nous fîmes vite nos bagages, réservâmes un couchage et filâmes à moto… au Havre ! L’exposition Nicolas de Staël, lumières du Nord, lumières du Sud, nous attendait depuis le 6 juin. Nos enfants garderaient la maison, les grands parents n’étant pas loin.

Avec ce déplacement, nous affirmons une nouvelle fois combien il est bon d’inventer une nouvelle ‘’page vacances’’ alors que l’album est presque terminé.

De Nicolas de Staël, je dirai juste qu’il faut aller voir les tableaux accrochés au Muma, ensuite nous parlerons, ou pas, de la balade magnifique dans les paysages proposés et des impressions ressenties sur nos consciences interpellées. Je suis encore émerveillé, troublé, ému, dubitatif, admiratif, frustré…Mon invitation à aller au Havre est sincère et désintéressée, l’envie de participer à une conversation avec vous autour de l’œuvre de Nicolas de Staël, immense.

Trente kilomètres séparent Le Havre d’Etretat où nous avons décidé de dormir. Un choix capricieux effectué à partir du souvenir que nous avions d’avoir biffé un article sur les maisons d’hôtes paru au printemps dans un Fig-Mag opportunément conservé. Chacun de notre côté, dans un jeu de couple savoureux et sage nous étions partis dans un voyage immobile en imaginant un bon séjour dans les maisons proposées. Nous devions sélectionner nos trois hébergements préférés les plus proches de Paris. Tous deux avions coché l’entrefilet présentant LES TILLEULS 1738 : en plein cœur d’Etretat, une maison de famille cossue, aménagée avec beaucoup de raffinement. Le charme exquis de la bourgeoisie ! Gilles a longtemps travaillé dans le cinéma, il en a gardé le goût des beaux décors et des tissus voluptueux. Salle de projection, cave à vins, bibliothèque, cabane fumoir, jardin…Five o’clock tea ou apéritif. Table d’hôtes… C’est donc sans chercher plus loin – ni plus près ! que nous avons choisi les Tilleuls 1738.

Puisque nous avions réussi à surpasser nos remords ‘’d’abandonner’’ sans vergogne nos enfants autant prendre bien le temps de la distraction et savourer une journée à rester sur place en passant deux nuits dans cette destination inconnue mais prometteuse. Ah ! qu’avons-nous bien fait. Mille surprises et délicatesses s’offrirent à nous, les énumérer tarirait le suc de votre imagination. Je ne suis pas critique touristique, faiseur de commentaires en art de vivre, je suis un jouisseur contemplatif et discret. L’exposition de Nicholas de Staël se terminera un jour, je formule un vœux :

QUE LES PORTES DES TILLEULS 1738 NE SE REFERMENT JAMAIS !

Président, président…

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Vanity Fair n° 14 – août 2014

Le président Alfred Bonjardin a passé l’été à l’Elysée. Comme il l’avait promis avant les élections, lui et ses trois vice-présidents ne se sont accordés que très peu de repos. Les observateurs restent sceptiques, les français, eux croient en l’homme qu’ils ont élu il y a cent jours. Sans parti politique, avec sa seule fortune et l’appel à contribution des partisans, il a réussi à financer une campagne originale et victorieuse. Il a su utiliser les nouveaux médias et convaincre tous ceux qui croyaient encore en un sursaut possible de voter pour lui. Jouant la carte de la simplicité, de l’innovation et du bon sens, il a tout de suite mis en application sa mesure la plus emblématique en supprimant le poste de premier ministre pour assurer lui-même la direction de l’état entouré de l’équipe resserrée avec laquelle il a fait campagne : un triumvirat de personnalités compétentes et volontaires venant de gauche, de droite et de la société civile : Hubert Védrine  en charge de la Nation (Sécurité intérieure et extérieure, justice, diplomatie…), Christine Lagarde à l’Economie (Finances, industrie, transport, tourisme…) et enfin, non le moins surprenant des bonhommes, Bernard Tapie à la Personne et au Citoyen (Education, santé, solidarité, culture…). Tout un programme !

Le nouveau président est atypique, héritier d’une riche famille du sud-ouest de la France il demeure libre penseur. Parmi les particularités avec lesquelles plus d’un s’est étranglé, et le tout Paris de se gausser encore ! la contribution de Jean-Jacques Goldman, sorti de sa retraite, pour composer la chanson fédératrice de sa campagne ‘‘Travailler à aimer la France’’ dont le succès se compare à l’hymne écrit pour les Restos du Cœur en 1985.

Alfred Bonjardin, n’a pas hésité à réduire au maximum le protocole et ses déplacements. Il affirme être là pour gérer le pays non pour partager des petits fours avec les différents corporatismes. Il ne se prend pas pour le roi, mais pour le responsable d’une très grande et très vieille entreprise qu’il s’est engagé à redresser avant de prendre une retraite bien méritée. Finis les conseils des ministres longs et fastidieux. Il travaille dans l’urgence avec une équipe efficace et dévouée. La communication est sobre, sereine et discrète. Il ne reçoit à l’Elysée que les représentants des cultes et les artistes émérites. Il organise une fois par semaine, en dehors du Palais, des conférences animées par les plus grands penseurs et intellectuels actuels. Quand on lui reproche son fonctionnement iconoclaste, il répond qu’il est temps d’oser bousculer les idées arrêtées tout en restant fidèle à l’esprit français empreint d’universalité et de générosité.

Ubarius

Matelot Ubarius_1bis
Né en juin 1961
Marié, père de deux garçons (25 et 22 ans)
Service militaire effectué au sein de la Marine Nationale

Directeur technique de salons professionnels (1986 – 2005)
Tour(s) de son nombril (2006 – 2007)
Facilitateur en affaires immobilières (2008 – aujourd’hui)

Depuis 2012 consacre 85 % de son temps à l’écriture :

  • Taxi Lul’ au Fort du Trou d’Enfer (album pour enfant)
  • Le vol du poisson rouge (essai)
  • O.L.P (scénario de court métrage co-écrit avec Roussy Jane)
  • 36 chandelles (recueil de vignettes littéraires)

Dyslexique non contrariant …

Merci à JP Verheggen inventeur du ridiculum vitae

Sur les chemins

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Quand j’empreinte de longs sentiers, pour plusieurs heures de marche, je ne suis ni heureux ni triste, je file entre deux parenthèses. Quand je me pose et me penche sur mon travail d’écriture les choses se compliquent. Je détricote les kilomètres de mon existence. Les croisées de chemins se brouillent, les excès de tristesse me perdent…Commence alors une tempête dans mon encrier !
Je me fatigue, je pleure, je rabats les voiles sur de belles espérances, je renonce à aller me coucher avant d’avoir trouvé l’azimut d’un horizon souriant à ma propre vie et à l’humanité entière.
Je marche pour user de la semelle, j’écris pour sonder ma conscience et révéler la sincérité dont je suis capable.

CHOU-HIBOU-CAILLOU-OUH !

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Vanity Fair n° 13 – juillet 2014

De la séparation de mes parents dans les années 80, je retiens un avantage : j’allais très souvent au cinéma puis au restaurant seul avec mon père. Je me souviens d’un diner où le meilleur spectacle fut dans la salle. Nous eûmes le bonheur d’être les voisins de table d’une belle et grande jeune fille, top model égarée dans un restaurant de quartier se rassasiant d’une salade de haricots verts. Seule entorse à son régime alimentaire, une énorme part de tarte au citron négociée à grands coups d’œillades en direction d’un serveur sous le charme. Mon père trouva plusieurs prétextes pour engager la conversation, il pratiqua son meilleur anglais. Il arriva juste à partager sa panière de pain et le moulin à poivre ! Je me taisais et essayais de calmer mon attrait. Les approches éhontées de mon géniteur m’offraient la formidable opportunité de jeter à la Belle des regards furtifs de désapprobation et d’excuses amusées. Nous avions sensiblement le même âge. Je l’admirais pour sa beauté, l’enviais d’être déjà dans la vie active alors que je suivais encore mes études. Enhardi par nos échanges silencieux je déposai le soir même un message à la réception de son hôtel en l’invitant à nous revoir. Ma franche sollicitude, un brin utopique, d’obtenir un rendez-vous lui plut et aboutit à une entente de plusieurs trimestres parsemée de rencontres dépaysantes agrémentées de conversations légères. Nous nous retrouvions autour d’un verre lors de ses courts passages à Paris. Je n’oublierai jamais le jour où, à la sortie d’un défilé elle me proposa de l’accompagner jusqu’à sa chambre d’hôtel. Elle me prit la main dans le taxi, nous parlâmes peu. A peine entrés dans sa chambre, elle me pria de me déshabiller et se moqua hilare de ma lenteur alors qu’elle fut nue en un rien de temps. Seuls les battements de mon cœur s’accélérèrent ; je ralentis encore d’avantage mes mouvements, subjugué par sa nudité et stupéfait par la subite offrande de son corps magnifique après des mois de prude amitié. Nous nous échappâmes du pelliculage glacé des magazines et de la situation convenue jusqu’à présent pour découvrir ensemble les dessous coquins de la Mode. Sur ce joli terrain d’entente nous laissâmes nos petites mains courir et nos envies de haute luxure nous envahir. Elle me recouvrit avec dextérité le sexe d’un caoutchouc – chou-hibou-caillou : ouh ! Elle descendait des podiums, nous montâmes au 7e ciel croiser mille paillettes rieuses et enchantées…

Quand je lui demanda pourquoi elle avait ainsi voulu passer la nuit avec moi, elle me répondit radieuse, c’était parce je ne lui avais jamais demandé.

La danse des zéros

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Vanity Fair n° 12 – juin 2014

Voyager me fait peur mais je ne conçois pas le bonheur assis… Je découvre sur mon compte bancaire un crédit de vingt cinq millions d’euros – le prix de vente du Christina, l’ancien yacht d’Onassis. En chiffre cela donne 2 5 0 0 0 0 0 0. Avec la danse des zéros, la possibilité de l’achat d’une belle conduite en espadrilles cousues de fils d’or s’offre à moi, ma quête d’envergure appelle des horizons ensoleillés.  Je quitte le nord pour les promesses du sud. J’abandonne la routine et file vers un avenir certain et une garde-robe allégée. Je n’oublie personne, je continue à devenir. Avec la fortune je fais le point. Ni garage, ni piscine, j’accepte la jouissance du monde en héritage et me promets une existence à la recherche de l’émerveillement. Je veux dans un même mouvement embrasser les choses et les êtres. Patiemment.

Dorénavant, je ne bougerai plus de chez moi. J’ai élu domicile dans une maison sans toit. Avec la pluie de zéros je me suis offert une présence entre le ciel et la mer. Mon vieux yacht de 30 mètres vogue sous pavillon alméritain*. Sous les tauds des terrasses du bord je suis à l’ombre des agressions et des contrariétés excessives, loin de tout énervement. Chaque escale, préparée avec l’équipage, est voulue pour me permettre de m’imprégner du territoire que je découvre. Je vais souvent à terre pour me perdre hors des sentiers battus et retrouver la sagesse de l’homme qui se meut lentement. De retour à bord je laisse revenir les souvenirs et déroule le fil de ma déambulation hasardeuse ; je me fixe comme horizon de ne jamais lever l’ancre pour un nouveau mouillage sans avoir couché sur le papier l’histoire invisible qui relate avec sincérité mes rencontres avec les gens et les paysages. Je veux partager et aussi aplanir le minuscule chaos que chaque pérégrination terrestre provoque en moi, sans prendre racines dessiner quelques fleurs pour les offrir à la postérité.

Je rends visite à des amis, ils viennent me voir. L’embarcation est grande, je reçois ma famille quand elle s’invite. Propriétaire de mon navire, je loue le bonheur. Ma vie est un poème, je fuis l’exil, j’aime l’esprit des iles, mon bateau s’appelle l’Inattendu

 

* L’Almérite est l’heureux mariage du ‘’peut-être’’ et du ‘’pourquoi pas’’. La synthèse inspirée de la France-Amérique. Un pays à l’attitude franchement latine doué d’un pragmatisme sans faille : Cassius Clay en tutu dans les bras de Brigitte Bardot, Jacky Kennedy en petite tenue acceptant un tour à moto avec Steve McQueen…

La route

De Stael The Road jpg

J’aime et je ne comprends pas. Je ne cherche pas à comprendre, et j’aime toujours. Impossible de résister aux paysages et aux perspectives qui s’imposent comme par évidence.

La beauté, l’amour qui autour de nous font tant de bruit, et creusent bien des silences, ne participent-ils pas au même mouvement ?
Je vois dans la beauté que l’on prête à un être ou à une chose la projection sur lui des caresses que l’on désire partager.

Et notre coeur de partir en fanfare ou bien de ralentir au grès de nos fantaisies affectives…

Tableau Nicolas de Staël – La route, 1954

Vagabond pour l'instant