Archives par mot-clé : Albert Cossery

SAN FRANCISCO

Les deux faces d’un même récit
———— Version # 1 ————
Vanity 35_mai16
Vanity Fair n° 35 – mai 2016

Quand le nom de Dorothée von F. apparaît sur son écran avec l’invitation à rejoindre son groupe d’amis, Cornelius Angel s’étonne. Une vague impression de déjà vu saupoudrée d’un parfum d’indécence bouscule son esprit. Est-ce encore une énième approche éhontée d’une amazone du net disposée à vendre ses charmes sur le grand trottoir qu’est devenue la toile, ou la sollicitation décalée d’une ancienne amie ? Il se balade sur son mur et essaye d’identifier l’intruse.
Pas d’enfant, pas de mariage, Cornelius vit à Paris ; il a fait sien l’adage d’Albert Cossery : la conquête d’un empire ne vaut pas une heure passée à caresser la croupe d’une jolie fille assoupie sous la tente dans l’immobile désert.
Aussi se demande-t-il si la résurrection virtuelle dont il est le témoin n’est pas celle d’une de ses furtives rencontres d’autrefois, une caresse de la nuit envolée au petit matin qui revient à travers le temps jouer les ondes chinoises.
Derrière son écran-paravent il devine son profil lui tendre la main. Dorothée von Finckenstein habite San Francisco et vient passer une semaine à Paris, elle est curieuse de revoir Cornelius.
Au Jardin du Luxembourg, où ils se sont donnés rendez-vous, parmi les nymphes baladeuses il cherche à découvrir ce qu’il connaît par cœur : ces femmes toutes en légèreté, devenues parisiennes par destination, marchant habillées des regards qu’elles ne dédaignent pas mais qu’elles feignent d’ignorer ; Il leur porte un intérêt discret et passionné. Vient le moment où la silhouette de Dorothée se dessine à l’horizon. L’instant où tout bascule. Le passé, englouti par les distances et l’oubli, refait violemment surface. La réalité s’impose, le télescopage dérange Cornelius. Il choisi de se détourner de la trajectoire de Dorothée afin de l’éviter définitivement. Seuls les héritiers d’une même famille sont obligés de se rapprocher un jour après s’être ignorés prestement pendant de longues années. Il garde sa liberté d’action. Tenu devant l’évidence, il estime cette possibilité à voyager dans le temps peu salutaire pour son avenir imaginaire. Il tient à ne pas corrompre ses souvenirs. Il préfère l’empreinte éthérée des caresses passées à la promesse hasardeuse de nouvelles tendresses.

Quand deux êtres se retrouvent 30 ans après ils se rejoignent pour toujours ou se perdent à jamais…

LOS ANGELES

Les deux faces d’un même récit
———— Version # 2 ————
Vanity 35_mai16 V2
Vanity Fair n° 35 – mai 2016

Quand le nom de Dorothée von F. apparaît sur son écran avec l’invitation à rejoindre son groupe d’amis, Cornelius Angel s’étonne. Une vague impression de déjà vu saupoudrée d’un parfum d’indécence bouscule son esprit. Est-ce encore une énième approche éhontée d’une amazone du net disposée à vendre ses charmes sur le grand trottoir qu’est devenue la toile, ou la sollicitation inspirée d’une ancienne amie ? Il se balade sur son mur et essaye d’identifier l’intruse.
Pas d’enfant, pas de mariage, Cornelius vit à Paris ; il a fait sien l’adage d’Albert Cossery : la conquête d’un empire ne vaut pas une heure passée à caresser la croupe d’une jolie fille assoupie sous la tente dans l’immobile désert.
Aussi se demande-t-il si la résurrection virtuelle dont il est le témoin n’est pas celle d’une de ses furtives rencontres d’autrefois, une caresse de la nuit envolée au petit matin qui revient à travers le temps jouer les ondes chinoises.
Derrière son écran-paravent il devine son profil lui tendre la main. Dorothée von Finckenstein productrice à Los Angeles vient passer une semaine à Paris, elle est curieuse de revoir Cornelius.
Au Jardin du Luxembourg, où ils se sont donnés rendez-vous, parmi les nymphes baladeuses il cherche à découvrir ce qu’il connaît par cœur : ces femmes toutes en légèreté, devenues parisiennes par destination, marchant habillées des regards qu’elles ne dédaignent pas mais qu’elles feignent d’ignorer ; Il leur porte un intérêt discret et passionné. Vient le moment où la silhouette de Dorothée se dessine à l’horizon. L’instant où trente années se télescopent pour prendre l’épaisseur d’une feuille de papier verticale sur laquelle ils vont tenter de coucher ensemble leurs nouvelles complicités horizontales. Dans leur conversation s’entremêlent souvenirs lointains et projets éminents. La belle a un aveu à lui faire. Il s’amuse de l’intrigue : Les choses graves ne peuvent-elles pas attendre ? Dorothée avoue lui avoir emprunté un poème qu’il lui avait envoyé quelques semaines après qu’ils se soient quittés, pour l’adapter et en faire une chanson à succès. Elle est extrêmement gênée et inquiète de la réaction de Cornelius . Lui rigole : Tu traverses l’Atlantique et reviens trente ans après pour me dire cela ? Tu travailles dans l’industrie, (et la vente) du rêve, je suis un rêveur ; un artisan du rêve. Allons au Bar Joyeux trinquer aux succès des uns, aux talents des autres, et surtout aux sourires des anges !