Vanity Fair n° 37 – juillet 2016
Heureuse échappée à la banalité des jours : aller faire la fête dans la forêt de Chevreuse. L’esquisse du cabinet de piscine conçu en 1967 par Jacques Couëlle glissée dans l’enveloppe me rappelle le Palais Bulles de Pierre Cardin à Théoule-sur-Mer. En répondant au carton d’invitation se dessinait dans ma tête une envie de désir. Mon arrivée quelques semaines plus tard dans la propriété réanima ce penchant. Je fus immédiatement aspiré par le courant d’air circulant subrepticement dans la forêt où se révéla une maison improbable.
Je fus immédiatement intrigué à la fois par le décolleté prometteur de la maitresse de maison que je vins poliment saluer et par la révélation des courbes de la construction qui se laissent deviner et découvrir inlassablement. La maison sait se faire oublier dans le paysage, elle en épouse les lignes – c’est son coté organique – elle se fait fantastiquement remarquer – son coté onirique – en interpellant nos sens. Quand on apprécie une maison, on se met dans la perspective notoire de l’acquérir. En fonction de ses prétentions et exigences personnelles, on se laisse flatter par l’apparence extérieure et on juge le confort intérieur. Cette villa se regarde de plusieurs façons que l’on soit dedans ou dehors. Mais on ne s’aperçoit pas y être entré, on ne se rend pas compte en ressortir. La nature des impressions ne change pas que l’on soit à l’intérieur ou à l’extérieur. C’est l’endroit qui vous habite tout entier – qui vous met à l’envers –. Il inverse les codes de lecture et les complète. Je ne visite plus un lieu, j’endosse un costume, je vis un personnage : ce soir je suis de sortie dans un surprenant lieu-dit ‘’Roche Couloir’’. Je monte et descends les escaliers, croise James Bond en discussion avec Austin Powers, fais le tour de la piscine au bord de laquelle Bertrand Burgalat drague éhontément une Jane Fonda-Barbarella plus lascive que jamais. Je m’envole au-dessus de la canopée pour m’imaginer dans les bras de magnifiques créatures langoureusement couchées et opportunément dévêtues au bord du bassin. Cette maison m’habille, elle m’invite aussi à me mettre à poils ! Plus de fausses pudeurs, que des rondeurs bienveillantes et complices. Quel que soit mon point de vue, le paysage est partout, à l’intérieur de moi-même, à l’extérieur des autres. A peine mon regard posé dans une perspective, il file déjà ailleurs. Je suis seul, empli de plénitudes et de contradictions prêt à dégoupiller la machine à fantasmes.
Les surréalistes auraient adoré faire la fête ici. La discrète et tonitruante Villa Goupil serait devenu leur Rush Boudoir pour s’évader et rêver à hautes voix ; ils auraient chanté la déstructuration de la pensée et loué la caresse des courbes.