Rue Barbey de Jouy

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Vanity Fair n° 8 – février 2014

Mauvais début de semaine, un appel de l’inspecteur Nestor D. insistant dès 7h30 du matin pour que je me rende avant la fin du jour à son commissariat. De quoi s’agit-il ? Les flics ont des idées préconçues sur ce qu’ils veulent vous entendre dire. Ils s’adressent à vous par ellipses insupportables qui vous culpabilisent d’entrée de jeux. Y-a-t-il une plainte contre moi ? Mon fixie (vélo urbain à pignon fixe) a-t-il été volé ? Il ne s’agit nullement de cela… L’inspecteur revêche insiste ; je résiste. Sans motif officiel je refuse de répondre à son invitation. Vous connaissez Mademoiselle Clara Arawah ? concède-t-il enfin. Bien sûr que je connais cette célèbre et toujours belle actrice. Je me cantonne à une banale et évanescente exclamation mais le trouble commence à m’envahir. Si je demeurais encore marqué par quelques plis de sommeil me voilà tendu comme un drap parfaitement repassé. L’inspecteur entend-il au bout du fil l’emballement de mon rythme cardiaque qui accompagne l’évocation du nom de Clara ? Je n’ai plus de ses nouvelles depuis dix ans mais je demeure sensible et attentif à sa carrière. Il ajoute sans vouloir paraitre narquois mais non sans une once de condescendance bien trempée qu’il serait bien que je passe le voir.

Seules la vocation ou la nécessité peuvent vous obliger à fréquenter les commissariats de police. Je n’ai ni l’une ni l’autre. Et pourtant je me rends intrigué et inquiet à la convocation lancée par l’inspecteur. Les présentations sont simples mais durent une éternité, un round d’observation pendant lequel il m’interroge du regard alors que je tente de paraitre à l’aise.

«Monsieur, nous avons retrouvé Clara Arawah morte cette nuit à son domicile de la rue Barbet de Jouy». La phrase est partie sans que je m’y attende, je me décompose sur le champ. Je bafouille. J’ai envie de l’étrangler. Pourquoi m’a-t-il fait venir pour m’annoncer cela ? Je suis perdu, incrédule ; j’envisageais un jour de revenir vers Clara, pour reparler de nous, de notre histoire d’amour quand nous avions vingt-cinq ans, quand sa célébrité m’amusait et me faisait rêver alors qu’elle glissait sans que je l’accepte, ou veuille le voir, de l’autre côté du miroir,  irrémédiablement grisée par les propositions mirobolantes et les euphorisants. En la quittant j’ai gagné en liberté mais perdu en candeur. Je suis là désabusé et dévasté face à ce flic sans forme, sans passé et sans avenir ; je suis dans le fond carrelé d’une piscine sans eau sans pouvoir atteindre les échelles de remontée. Je ne crie pas au-secours, je me noie.

Après avoir vérifié mon téléphone mobile l’inspecteur m’apprend que derrière l’appel masqué de samedi après-midi se cachait Clara ; ce fut son dernier appel. Sa folle vie m’avait détourné des histoires d’amour passionnées, l’annonce de sa mort me plonge dans un désarroi sans bornes mais je me maudis de n’avoir pas décroché samedi, fidèle à mon sacrosaint principe de ne jamais répondre aux appels non identifiés. Ce ratage me pulvérise dans un abime de culpabilité et de frustrations. Je m’étais habitué à la savoir à distance, douloureuse certes, mais avec sa présence dans l’actualité je gardais l’espoir de la retrouver un jour. Le plus difficile n’est pas de mourir mais de survivre ; l’insupportable demeure d’avoir manqué à jamais le dernier rendez-vous sans savoir s’il s’agissait ou pas d’une intention volontaire ou bien d’une avant-dernière maladresse. Je n’ai que le regret et l’incertitude pour me consoler.

Je n’ai pas su la garder auprès de moi, la sauver. Je suis un lâche, idéaliste et paresseux. Mon père avait raison quand il m’enjoignait de ne jamais tomber amoureux d’une actrice, ou sinon de lui offrir un beau mariage…

Parfum de femme

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ELLE n° 3544 – 29nov13

Au début du mois de novembre, j’étais parti rêver sur les pages du magazine ELLE…Je fus stoppé dans mon transport en tombant éberlué et déçu sur la chronique désenchantée et agressive du sieur Nicolas Bedos. Pas rancunier, remis de mes désapprobations exprimées lors d’un précédent billet, je décide, quatre semaines plus tard de feuilleter de nouveau le beau magazine féminin. Hélas, mille fois hélas ! Un prestigieux annonceur a trouvé opportun d’insérer une publicité odorante dans le numéro…Alors que je vous parle son parfum entêtant m’envahit encore le nez et, il me revient comme un cauchemar l’embarras dans lequel je me suis retrouvé à plusieurs reprises dans le passé aux contacts d’individus trop exagérément parfumés. Qui n’a pas croisé lors d’une réception mondaine une charmante personne un peu trop aspergée, et poliment, tant qu’il était debout, a joué des ronds de jambes diplomatiques pour fuir l’effluve agressif qui inhibait toutes ses attentions galantes ?

Ma dernière expérience malheureuse avec un parfum gênant s’est terminée par un piteux aveu de ma part à la charmante invitée qui me reprocha d’avoir été distant tout le temps du diner – comprenez seulement que je ne pus ni sentir le vin, ni l’odeur du petit lardon frit dans la salade de lentilles délicatement assaisonnée d’un délicieux vinaigre de cidre – . Elle a su garder ses distances depuis…

J’aime dans le parfum l’intention de séduction invisible. Je ferme les yeux et j’imagine un corps en caresses, ses mouvements en promesses. La femme est un souffle, elle abandonne volontiers dans le vent le souvenir de son parfum pour continuer à me captiver. Tout se joue dans la subtilité et le silence, c’est un jeu, c’est une danse. Dino Risi en 1974 réalisa Parfum de femme, quarante ans plus tard, je pense toujours et encore à son héroïne dont j’étais tombé éperdument amoureux : Agostina Belli. Elle demeure dans mes rêves l’ange merveilleux, l’essence féminine, mon éternel féminin. Brune capiteuse et joyeuse aux yeux clairs. J’aime la suggestion, pas l’outrance, la proposition discrète non l’imposition outrancière, la peau nue qui se laisse renifler avec tendresse, pincée de-ci de-là de quelques gouttes d’un parfum mutin sublimant l’activité du jour et les nuits câlines…

Rappel du titre de la chronique de N. Bedos : La France qui pue. A bon renifleur, salut !

Une illusion merveilleuse !

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VA – 14nov13

Dans le prolongement des lignes de dépit documentaire ouvertes sans limite aux bénéfices des lecteurs désabusés par la déliquescence de nos mœurs contemporaines, Denis Tillinac dans sa tribune inspirée de la semaine du 14 novembre dernier semblait sortir légèrement du champ de l’actualité pour parler du sport en général et de son commerce d’hier à aujourd’hui.

Grace à son exercice, il nous communiquait un souffle intelligent et positif qui dénonçait en particulier le sport-spectacle et son fric (sic) sans condamner ni sa pratique bien sûr, ni sa contemplation.

Au lendemain de la victoire incroyable des bleus le 19 novembre , je me réjouis avec mes garçons et me console en vous écrivant. La France, premier pays consommateur d’antidépresseur par habitant, vient de se trouver, dans l’illusion collective, une nouvelle drogue. Il aurait mieux fallu pour notre pays que son équipe nationale de football perde. Malgré le sursaut d’orgueil et de fierté qui a conduit à la victoire, c’est l’esprit ‘’flamby’’ qui va triompher.

Hélas l’équipe de France de football n’est plus le symbole d’un melting-pot Black-Blanc-Beur réussi mais la chimère d’un grand idéal utopique auquel nous essayons encore de croire. La victoire magnifique contre l’Ukraine va servir de paravent derrière lequel notre manque de courage collectif va se perfuser de molécules analgésiques. J’espérai avec une méchante défaite un électrochoc qui participerait au réveil de nos consciences que trop peu de politiques et de médias ont ni l’honnêteté, ni la clairvoyance ni le courage de provoquer.

Arrêtons avec la France Blague-Blanc-Leurre et retrouvons nos vraies couleurs sur le drapeau français ; nous savons gagner quand il le faut !

La chronique qui tue

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ELLE n° 3540 – 1er nov13

Je voyage en magazine. Je pars sur les pages faire du lèche-vitrine. Aujourd’hui, je butine le magazine Elle du 1er novembre. Ecoutant certains dimanches, avec bonheur « Il n’y en a pas deux comme Elle » sur Europe 1, je souhaite retrouver sur le papier l’ambiance délicate et les propos pertinents des dames de la radio. Là où les femmes sont primesautières et conséquentes, les hommes sont présomptueux et velléitaires ; avec cette lecture je souhaite fuir le monde agressif des males pour l’univers chaleureux et esthétique de la gente féminine.

Hélas, je tombe page 32 sur la chronique de Nicolas Bedos : « La France qui pue ».

Que fait le chroniqueur beau gosse et survolté dans les pages de Elle avec des propos hostiles et disgracieux à l’encontre des français qui ne penseraient pas comme lui au sujet de l’immigration. Je croyais que son rayon était l’humour, là il s’installe dans la vindicte bobo revancharde. Qu’il fasse de sa vision idyllique un poème non une charge grossière et insultante et je compatirai, hélas une fois de plus, sur la misère du monde.

Lire un magazine féminin c’est comme passer noël à Venise. On rêve sur l’eau sans avoir à se mouiller. La plume de N. Bedos trempée dans la poudre de coco m’éloigne des rivages lagunaires et idéalisés.

Dommage pour mon embarquement que le gondolier ait été mal choisi !

Gourmets des Ternes

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Aux Gourmets, je venais avec mon père.
J’y viens seul ou accompagné sans jamais réserver alors que c’est toujours complet. C’est ma coquetterie de parigot.
Deux fois, le Père Marie m’a viré parce que je ne prenais pas d’entrée (le temps de préparer la viande disait-il…).
Je reviens quand je peux, entre deux rendez-vous.
Je passe de temps en temps pour embrasser la pièce de bœuf et essorer le baba au rhum ; oh ! bien sûr, je commence par une entrée, souvent les céleris rémoulade.
Pour le vin, c’est selon l’humeur, le portefeuille, et l’échange d’idée avec Jean, le fils et actuel patron.
Ouais, c’est vrai, le Bérurier (personnage outrancier, obèse, impudique, ronchonnant…de la série de romans policiers San-Antonio) est parfois au service dans la salle mais, dans l’assiette, y’a du Mozart. Alors, il faut savoir regarder l’un et écouter l’autre. Et puis, quand le Béru met son tutu, il faut se laisser aller, et se marrer avec lui… Il ne faut pas s’arrêter aux apparences un peu rudes du service. Pour aimer faut comprendre. Faut avoir le décodeur.
Les Gourmets est un bistro de parisiens pour le monde entier. Mais faut se plier au protocole. Il y a de la gouaille, de l’exagération, de la maladresse contrôlée… Un peu de rudesse dans ce monde aseptisé, cela ne fait pas de mal !
Aux Gourmets, il y a de la continuité et de l’excellence depuis les trente cinq ans que je le fréquente.
Pas de place pour la fanfreluche et la minauderie. Il faut savoir s’imposer avec discrétion et charme.
On n’est pas riche de ses caprices mais de son désir à se faire du bien.

J’aime les Gourmets des Ternes.

Vagabond pour l'instant