Héroïne

Vanity 20_fev15
Vanity Fair n°20 – février 2015

J’ai rendez-vous avec la femme parfaite. Les négociations avec son agent ont été rudes ; il a accepté que sa cliente condescende à m’accorder une entrevue dans ses confortables bureaux afin que nous soyons tranquilles – à l’abri des regards indiscrets et des sollicitations d’admirateurs zélés et libidineux. Wonder Woman s’est faite attendre et désirer ; je la vois arriver précédée par une charmante hôtesse d’accueil que j’aurai bien prise, un court instant, pour mon invitée ! Mon intention est confuse : entre ma faiblesse pour la beauté naturelle de l’une et l’attrait de la célébrité de l’autre.

Nous nous asseyons face à face autour d’un service à thé fumant. La rencontre est prévue pour durer une heure trente. Je dévisage mon interlocutrice afin de découvrir ses éventuels défauts, ses points faibles, ses zones dangereuses : son apparence est lisse, sa sensualité furtive ; elle n’a pas su se défaire de tous ses ornements fictionnels, sa tenue semble être griffée à la fois par Coco Chanel et Achille Zavatta : dommage !

J’entame consciencieusement la conversation en lui demandant si elle se considère comme une femme de pouvoir. Déjà je m’évade dans le regret de ne pas être en train d’interviewer une Barbarella pulpeuse et libérée. Sa bouche articule à toute allure un semblant de réponse qui me subjugue, puis elle se lève. En même temps que je quitte mon fauteuil pour la raccompagner, je regarde furtivement ma montre et constate que l’heure trente est bien passée. Je ressens une impression de plénitude et de frustration. Le temps imparti s’est bien déroulé ; mais ne me quitte-t-elle pas si précipitamment parce qu’elle a lu dans mes pensées et se sent horriblement vexée ? Elle me salue avec grande politesse et disparaît. On m’expliquera plus tard avoir été emmené par elle dans un voyage extratemporel ; un des ses supers pouvoirs lui permet de se déplacer à sa guise dans le temps à la vitesse souhaitée.

Je me remets de mon décalage horaire en réalisant l’impression d’infini que me donnent les instants que je partage à caresser le corps de la femme que j’aime. Elle est mon super éros !

 

 

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