INSTANTANÉ

28415-Paris
Maison & Objet – Septembre 2015

Un des préceptes auquel je m’oblige avant de rentrer dans un magasin est de savoir pourquoi j’y rentre et ce que je viens y acheter. Pourquoi je m’invite alors en passager clandestin à naviguer dans les allées du salon M&O plusieurs heures durant, d’un pas chaloupé, sans escales ? Je ne suis pas un forçat du monde consumériste possédé par ses achats, peut-être la caricature joyeuse d’un galérien moderne qui espère encore et toujours qu’en usant ses semelles il sentira le vent le soulever. À chaque coup de gambette magique je m’attends à découvrir L’Objet Merveilleux. Je ne cherche pas la lampe d’Aladin, je suis dans son palace sous un ciel multi-étoilé. J’avance dans un monde de suggestion. Ce n’est pas ma présence qui est clandestine mais ma destination qui est incertaine. En passant les portes du salon, je m’en vais quérir le hasard et la sensation.
Et la rencontre se produit.
J’éprouve pour les polaroïds une tendresse particulière, pour l’appareil vintage et pour ses développements instantanés dont on pleure aujourd’hui l’altération inéluctable. Je conserve dans mes tiroirs une collection de ce que l’on n’appelait pas encore à l’époque des selfies – une série d’autoportraits où s’immobilisait l’impression du miroir dans lequel se reflétait le visage de mes vingt ans immatures. Je regarde avec joie les manipulations manuelles sur Polaroïd du photographe Christian McManus dont plusieurs tirages ornent les murs de mon bureau, et je m’arrête, interpelé, devant le stand Polaboy qui propose de reprendre autour d’une image rétro-éclairée la même forme de cadre que celui de nos bons vieux Pola avec la base plus large que les trois autres côtés. L’offre est astucieuse, elle me permet en un clic de résoudre le problème d’encadrement et de mise en valeur des tirages des photos de l’artiste que j’affectionne.
La sculpture traverse les âges, les peintures se restaurent, on accorde aux tirages photo une espérance de vie de moins de cent ans, le Polaroïd est une anecdote photographique à laquelle la raison me suggèrerait de ne pas m’attacher. Mais je m’y accroche ! Dans le hall d’exposition n° 8 le geste design du maître de forge Jirko Bannas aimante mon regard vers le contenant Polaboy et redonne vie au contenu McManus.
L’ouverture d’un nouveau flacon créatif me promet l’empreinte d’une nouvelle ivresse.
ÉM&OTION partagée ?

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